Santé et mobilité, les clefs des élections régionales à La Réunion

Les enjeux des déplacements et des transports pour les années qui viennent

22 juin 2021
le coma circulatoire du Barachois va durer ! "le coma circulatoire du Barachois va durer !"
Penser la mobilité à plusieurs échelles sera un véritable défi pour les nouvelles majorités régionales et départementales. Pour sortir La Réunion du coma circulatoire, il faudra faire preuve d'innovation avec des modes de déplacements multiples, à pied en bus, à vélo, par câble et à moyen terme par rail. Les résultats des scrutins des 20 et 27 juin seront déterminants pour l'avenir de l'île.

Par Lilian Reilhac

A La Réunion, où la Dingue et le Covid-19 continuent à faire des ravages, où le coma circulatoire prend chaque année 1 mois et demi de vie des automobilistes, la santé et la mobilité sont au cœur des débats de ces consultations électorales.

Le matin il faut pratiquement 2h en voiture pour rallier Saint-Benoît à Saint-Denis, Saint-Pierre à Saint-Denis, 1h30 pour Saint-Joseph à Saint-Pierre… 

Les candidats, notamment aux régionales l’ont bien compris : celle ou celui qui apportera une solution durable aux problèmes de déplacements sur cette île, sera « le roi de La Réunion » pour reprendre l’expression d’un militant. 

Comment les candidats aux élections régionales et départementales envisagent-ils la place des transports dans leur projet de développement régional, avec quelles priorités, quels leviers d’action publique et surtout quels moyens financiers ?

L’association TDIE (Transport développement intermodalité environnement) a décliné les enjeux d’orientation politique de mobilité, à partir des compétences des collectivités régionales et départementales dont l’exécutif sera renouvelé les 20 et 27 juin prochains en France et dans les Outre-mer. On peut retenir cinq questions majeures qui ont été adressées à toutes les têtes de listes pour une politique régionale durable des transports :

  • Les transports, outil de développement régional : quels objectifs donner à la politique des transports au service de la mise en œuvre du projet de développement régional ?
  • Fret et logistique : est-il opportun, voire nécessaire que la région développe une stratégie logistique, avec quels objectifs, et quels leviers ?
  • Quels services de mobilité demain : faut-il faire évoluer l’offre, l’usage et la tarification des transports publics (ferroviaires et routiers), avec quels objectifs et quels moyens ?
  • Infrastructures et investissement : quelles doivent être les priorités de la Région en matière d’investissement, dans la perspective notamment de la négociation du futur contrat de plan Etat-Région ?
  • Recherche et expertise technique : la Région doit-elle participer activement au financement des programmes de recherche nécessaires à la mutation des systèmes de transport, et doit-elle envisager de renforcer l’expertise des services de la région sur les différentes dimensions de la politique régionale des transports ?

A l’heure où nous mettons sous presse ce numéro de Mobil’Idées, pas un candidat aux élections locales n’avait répondu aux questions de l’association TDIE. 

Alors que les transports et déplacements représentent pour beaucoup de ménages réunionnais la principale dépense du foyer, une alternative à la voiture n’a toujours pas vu le jour. 7% seulement des déplacements quotidiens, notamment les domicile / travail se font en bus. Au cours de ces dernières années, ce chiffre n’a pas évolué alors que les opérateurs de réseaux de transports publics ont, autant ce peu, modernisé l’offre de transport. Le problème c’est que les bus sont eux aussi confrontés aux récurrents embouteillages quotidiens. Et ce n’est pas la Nouvelle route du littoral qui apportera un peu d’air. La NRL n’a vocation que d’assurer la sécurité par rapport aux éventuelles chutes de pierres et de mettre fin aux basculements après 70mm de pluie enregistrés par Météo France.

Transporteurs et usagers du vélo sur la même longueur d’onde

Le rôle des collectivités locales et particulièrement la Région Réunion n’est plus l’investissement dans les infrastructures, il est également celui de régulateur des nouvelles mobilités dont le développement est porté par des initiatives privées. Ainsi, le vélo à assistance électrique connaît un essor prometteur. Alternéo, Citalis et bientôt Kar’Ouest offrent désormais un service de location très attractif. Pour une quarantaine d’euros par mois, le vélo à assistance électrique est loué à l’usager qui s’engage à l’utiliser dans la mesure du possible pour ses déplacements quotidiens. Des entreprises, des hôpitaux comme le CHU de Bellepierre et celui de l’Ouest ont mis à disposition de leur personnel parkings et douches. La demande en vélo est telle à La Réunion que les fournisseurs ont du mal à suivre le rythme. 

Un rythme soutenu que les pouvoirs publics, eux aussi, ont du mal à suivre pour réaliser de véritables pistes cyclables. Au point que, regroupées en collectif, les associations en faveur du vélo multiplient des manifestations populaires pour réclamer davantage de pistes cyclables au cœur et en dehors des villes. A chaque opération aux quatre coins de l’île, leur nombre semble se multiplier également. Une façon de mettre la pression sur les candidats aux élections régionales et départementales.

Il en est de même pour l’attractivité des bus conditionnée à la réalisation de voies dédiées aux transports en commun. Certes des efforts ont été entrepris au cours de ces dernières années, mais la tâche est tellement titanesque et complexe au vu de la problématique d’aménagement, que ces sections de voies bus sont quasiment transparentes et inefficaces. Le président la FNTV locale (Fédération nationale des transports de voyageurs) préconise, dans une charte adressée à tous les candidats l’importance de développer des voies réservées au transport collectif, bus, taxis sur les entrées de ville et voies encombrées de l’île. « Comment voulez développer les transports en commun si les cars continuent à être bloqués dans les embouteillages ? C’est en faisant gagner de la vitesse et du temps aux bus que nous parviendrons à rendre les bus attractifs », souligne Bruno Fontaine, Président de la FNTV de La Réunion. 

Aux différents projets rails proposés par les candidats aux élections régionales, le représentant de la profession opte pour le BHNS (Bus à haut niveau de service). Plus rapide à mettre en œuvre, moins cher qu’un transport par rail, « le BHNS est plus avantageux, vu l’urgence de la situation. Les Réunionnais ne peuvent plus attendre 20, 30 ans pour avoir un mode de transport performant ». Pour l’heure les élus du TCO (Territoire de la Côte Ouest) ont validé le principe d’un BHNS sur son territoire au cours de la mandature actuelle. Ce projet devrait desservir La Possession jusqu’à Saint-Leu, sur une trentaine de kilomètres. 

Une politique de mobilité fragilisée par la crise sanitaire

Reste malgré tout, le nerf de la guerre : le financement de ces projets indispensables au développement de l’île. Alors que les candidats affichés pour les élections régionales annoncent des projets aux quatre coins de l’île pour résorber les difficultés de circulation, on peut se poser la question des moyens. En effet, la crise sanitaire qui perdure pourrait mettre en péril le financement des projets des collectivités en matière de transports en commun lors du prochain mandat. Et pour cause, la crise économique des entreprises qui aura forcément un impact sur le versement mobilité. Cet impôt, anciennement appelé versement transport prélevé sur la masse salariale des entreprises enregistre un recul. A cela s’ajoute la perte de recettes liée à la diminution de la fréquentation des bus. Ne reste plus, pour boucher les trous, que les subventions des collectivités locales. Mais là aussi, les finances publiques sont moribondes. Du coup tout le monde a les yeux braqués sur le Plan de Relance national dont les engagements à hauteur des 700 milliards d’euros versés aux états ont pris du retard en raison des récurrentes lourdeurs administratives. Les premiers risquent d’être les mieux servis. Ce sera donc l’un des premiers défis des nouvelles majorités régionale et départementale de défendre les couleurs de La Réunion pour que celle-ci ne soit pas oubliée. 

En attendant, à la fois proche et loin de Bruxelles, sur l’île, les Autorités organisatrices de mobilités (Région, Cinor, TCO, Civis, CaSud, Cirest) tentent de maintenir à flot leur réseau de transport public. Le sort de la mobilité est désormais entre les mains des électeurs réunionnais les 20 et 27 juin prochains.

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