La compagnie régionale privatisée

Ce vendredi 13 janvier au Moca, Air Austral tenait son assemblée générale afin d’acter l’entrée au capital de nouveaux investisseurs dans la compagnie réunionnaise. Une étape importante avant la décision du tribunal de commerce qui doit, le 25 janvier, se prononcer sur le plan de restructuration proposé par les dirigeants de la compagnie. Ainsi, une trentaine d’investisseurs réunionnais regroupés au sein de Run Air, apportent 30 millions d’euros auxquels s’ajoutent 15 millions de La Région à travers la SEMATRA, cinq millions du Département et enfin 5 millions de la Chambre de Commerce. Désormais le capital d’Air Austral devrait être porté à 55 millions d’euros. 

L’appel au patriotisme de la Présidente du Conseil Régional a porté ses fruits. Double satisfaction pour Huguette Bello, puisque quasiment dans le même temps, la Commission Européenne avait autorisé une aide financière de la France d’un montant de 119,3 millions d’euros indispensables à la restructuration d’Air Austral qui bénéficie également de 17,5 millions d’euros au titre de l’indemnisation des dommages subis par la compagnie régionale suite à la crise sanitaire au second trimestre 2020.

Certes depuis deux ans, Air Austral traverse des turbulences causées par la pandémie du Covid, mais pas que. En effet, l’arrivée de French Bee sur le marché réunionnais a sérieusement fragilisé la compagnie réunionnaise. Selon les experts, de Corsair, Air France et Air Austral, c’est cette dernière qui a été le plus frappé par cette concurrence venue des Caraïbes. Filiale du groupe Dubreuil, French Bee déploie depuis son arrivée dans les outre-mer des tarifs attractifs pour des vols opérés pour l’essentiel en Airbus A350 nouvelle génération. Pour cette période de décembre et janvier 2021/2022, les voyageurs ont pu bénéficier des billets aller et retour avec un prix d’appel d’environ 600€, contre 1100 € pour Air Austral.

Des investisseurs exigeants sur la restructuration d’Air Austral

La prochaine étape, après la validation du plan de restructuration par le Tribunal de commerce prévue le 25 janvier, sera la mise en place du Conseil de surveillance d’Air Austral. Cette instance devrait être composée de 11 membres, dont 6 issus du nouveau actionnaire majoritaire, Run Air. Ainsi, avec la prise en main par le privé, une nouvelle politique de gestion de la compagnie régionale devrait voir le jour. Suite à l’appel de la Présidente de Région, Michel Deleflie, propriétaire du groupe Clinifutur, n’a pas hésité à mettre sur la table 10 millions d’euros. Détenant 1/3 du capital de Run Air, il est désormais le principal investisseur d’Air Austral, suivi de deux transporteurs, le groupe Mouland et Bruno Fontaine. 

Une fois la nouvelle gouvernance installée, le principal chantier sera la mise en oeuvre de la restructuration de la compagnie régionale à laquelle émargent 850 salariés. «Certes, ces nouveaux capitaux permettront à Austral de sortir des turbulences, mais des décisions pas facile devront être prises. Il faudra lâcher du lest et tout devra être optimisé. Nous n’avons pas le droit à l’erreur si nous voulons qu’Air Austral continuent à voler », indique l’un des investisseurs. 

Au delà de la politique marketing et commerciale, l’autre dossier brûlant est le renouvellement de la flotte vieillissante d’Air Austral. Selon certains pilotes, « des avions peuvent encore tenir deux ou trois ans, mais face aux appareils de la concurrence qui offrent plus de confort et moins consommateurs de carburant, notre compagnie aura du mal à s’imposer ». 

Les experts d’Eurocontrol, Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, prédisent une reprise du trafic aérien au niveau pré-Covid pour seulement 2025. Soit deux ans pour Air Austral à mettre en oeuvre sa restructuration et se moderniser. Le temps est désormais compté.

Lilian REILHAC