La bataille pour le rail a commencé

La Région Réunion veut sa part du plan à 100 Mds€ pour le transport ferroviaire

06 mars 2023
La Région veut son réseau ferroviaire "La Région veut son réseau ferroviaire"
Face à l'urgence du coma circulatoire grandissant sur l'île, l'Etat tend la main à La Région pour relancer la création d'une offre de transport ferroviaire. La collectivité régionale présidée par Huguette Bello devra s'assurer du soutien des Autorités organisatrices de mobilité (CINOR, TCO, CIVIS, CASUD, CIREST) et celui des Réunionnais qui pourront s'exprimer sur le sujet lors des prochains Etats Généraux des Mobilités. Plus que jamais La Réunion devra afficher une certaine unité si elle veut son train.

Las de la place qu’occupait le dossier de la NRL dans l’opinion publique depuis ces dix dernières années, la majorité régionale est déterminée à accélérer le projet de création d’un réseau régional de transport guidé (RRTG) afin d’offrir aux Réunionnais un mode de déplacement fiable. A l’image du regretté tram train sacrifié sur l’autel des élections régionales de 2010. Depuis cette date, les récurrents embouteillages continuent à avoir de nombreuses conséquences économiques, sociales environnementales et sanitaires dans les quatre micros régions de l’île. On estime à 39 jours par an le temps perdu dans les embouteillages par les automobilistes. Malgré les efforts  conséquents entrepris par les Autorités organisatrices de mobilités, seulement 7% des déplacements se font par les transports en commun. Les professionnels et les comités d’usagers de bus fondent beaucoup d’espoirs sur les prochains renouvellements de DSP (Délégation de service public), pour que les offres de transports publics s’améliorent davantage, notamment en termes de fréquences et d’amplitudes.

La population aura l’occasion de s’exprimer lors des Etats généraux des mobilités qui devraient être lancés à partir du mois de mai pour s’achever au mois de décembre. Pour ce grand débat, tout le monde est mobilisé : l’Etat, le Conseil Départemental, les AOM, les associations, les professionnels des transports de voyageurs, et surtout les Réunionnais.

Ce n’est pas la première fois qu’une telle consultation est organisée. Au cours de ces dernières années les Réunionnais ont été consultés sur des projets qui n’ont à ce jour jamais vu le jour : RunRail de La Région, Néo (Entrée Ouest de Saint-Denis), TAO (Tramway aéroport entrée Ouest) porté par la Cinor et qui devait voir le jour fin 2023. 

Ce qui explique sans doute que certains ont déjà anticipé cette grande consultation en organisant des manifestations à travers l’île. Ainsi, le Collectif Réunionnais des usagers de la bicyclette (CRUB), Vélotaf Sud Réunion, Collectif Dionysien à vélo et Vélovie qui organisent à partir du 11 mars « La Caravane Sécurité Mobilités Actives » afin de recueillir l’avis des Réunionnais sur le sujet des déplacements. De son côté, la Cinor a placé la question des mobilités au coeur de sa Marche pour le Climat dimanche dernier. Et enfin, pour le compte de La voix citoyenne, dans une tribune libre Giovanni Payet insiste sur « l’urgence d’avoir une alternative crédible et efficace pour se déplacer à La Réunion ». La CINOR a pour sa part pris une longueur d’avance en lançant, il y a une dizaine de jours, un appel d’offres pour retenir son Assistance à maîtrise d’ouvrage pour la réalisation de son transport en site propre baptisé BAOBAB. Une ligne allant du Bocage à Sainte-Suzanne jusqu’à la Caserne Lambert en passant par le centre ville de Saint-Denis, équipée de BHNS (Bus à haut niveau de service).

Se voulant rassurante, pour la nouvelle majorité régionale, ces Etats généraux des mobilités est « l’occasion pour les Réunionnais, les Autorités organisatrices de mobilités (AOM) de faire un état des lieux, de comprendre pourquoi tous ces projets n’ont pas abouti, et de faire un choix partagé et définitif d’un mode de transport pour toute l’île en prenant en compte nos contraintes techniques et financières respectives. Unis et solidaires nous pourrons alors convaincre le gouvernement pour que l’Etat nous accompagne, au même titre que les Régions métropolitaines, afin de sortir La Réunion de ce fléau récurrent que sont les difficultés de circulation », explique Patrice Boulevart vice-président de La Région en charge des mobilités.    

 

« Unis nous serons plus forts »

 

Entretemps, La Région a déjà entamé son travail de lobbying dans les différents ministères à Paris afin que l’Etat accompagne la collectivité pour financer un projet de transports de voyageurs moderne et performant. Le sujet a été longuement abordé avec le ministre en charge des Outre-mer, lors de sa récente visite dans le département. Jean-François Carenco s’est déclaré conscient de la situation de coma circulatoire à La Réunion, en affirmant que l’Etat serait aux côtés de La Région pour trouver une alternative au tout automobile. Sans pour autant préciser les contours de cet « accompagnement », notamment l’aspect financier. Néanmoins le ministre a souligné que quelque soit le projet ferré retenu, celui-ci devait faire l’unanimité des Réunionnais. « Accrochez vous au train », aurait glissé Jean-François Carenco à la présidente de Région. Pour répondre à cette attente, la présidente de Région Huguette Bello avait déjà pris les devants en annonçant lors de son élection à la pyramide inversée du Moufia l’organisation des Etats généraux des mobilités, encadré par la Commission nationale du débat public (CNDP). 

Pour l’heure, personne n’avance l’idée d’un train ou tramway, mais lors de la commission permanente du 24 février, présidée par Huguette Bello, la collectivité régionale a approuvé la motion relative à la réalisation d’un réseau de transport ferré présentée en Assemblée plénière le 15 décembre 2022. Pour la Présidente de Région, « ce coma circulatoire nous oblige à accélérer le développement de mobilités alternatives et de renforcer l’offre de transport en commun ». Reste malgré tout la question des capacités de financement de La Région qui actuellement doit boucler le financement de l’achèvement de la NRL. Certes l’Etat s’est engagé à financer 50% de l’estimation du petit viaduc entre la Grande Chaloupe et La Possession, soit environ 420 M€, mais la collectivité régionale doit apporter l’équivalent, voire plus.

 

Le pôle d’échanges fantôme de Duparc

 

Si au final, la NRL aura coûté près de 3 milliards d’euros, le coût d’investissement pour la réalisation d’un réseau ferroviaire, type le RRTG de 135 km n’a pas encore été chiffré. L’Autorité de Régulation des Transports, estime à 25 millions d’euros au km le coût d’investissement d’un transport ferré tel qu’un train express régional. Cette estimation comprend également le matériel roulant, mais peut être revu à la hausse en fonction de la nature du terrain. A titre d’exemple, le Tram Train de Paul Vergés d’une longueur de 40 km entre Sainte-Marie et Saint-Paul coûtait 1,4mM€, soit une peu plus de 31 M€ au km, avec cette particularité : uniquement la traversée du massif de La Montagne aurait engloutie plus de 500 millions d’euros. Aujourd’hui les données ne sont plus les mêmes. La NRL est pourvue d’une voie réservée au futur réseau ferroviaire, il n’est donc plus nécessaire de traverser La Montagne par un tunnel. Par ailleurs, de nombreuses voies réservées aux transports en commun ont et continuent à voir le jour. En 2020, La Région avait estimé à 300 millions d’euros la réalisation des dix premiers km du Run Rail, entre la station de Duparc jusqu’à la rue Bertin, prés du pont Vinh San. Seule concrétisation : le pôle d’échanges de Duparc inaugurée en grange pompe par Didier Robert le 19 septembre 2018, et qui devait être le point de départ du futur Run Rail, mais qui aujourd’hui est quasiment abandonné avec ses 2 locaux commerciaux, ses 8 quais, son emplacement pour vélos et ses100 places de parking.  

 

100 milliards d’euros pour le ferroviaire

 

 

Il est clair que dans un contexte budgétaire extrêmement difficile, La Région, seule, ne pourrait financièrement porter à bout de bras la création d’un réseau ferré à La Réunion. D’où l’insistance de la Présidente Huguette Bello auprès des différents ministères, pour que l’Etat contribue, au même titre que les régions de l’hexagone, à développer le transport ferroviaire à La Réunion. « Un petit pays comme nos voisins de l’île Maurice sont parvenus à offrir à sa population un tramway moderne et performant. La Réunion fait partie d’une grande nation comme la France et d’un grand continent comme l’Europe, il n’y a pas de raison que nous soyons traités autrement », soutient Huguette Bello.

Dans un courrier en date du 6 décembre, adressé directement au Président de la République, la locataire de la pyramide inversée du Moufia a sollicité Emmanuel Macron pour que La Réunion intègre le plan d’action pour la création de nouvelles offres de transport ferroviaire express, tel que le RER (Réseau Express Régional). Dans un courrier en date du 15 février, sous la plume de Patrick Strzoda, Directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, l’exécutif précise que La Réunion ne fait pas partie des métropoles concernées par la mise en place d’un projet RER métropolitain et que la demande de La Région a été transmise aux ministères concernés « afin de trouver les meilleures solutions au projet, porté par La Région Réunion, de développer une nouvelle offre de transport ferroviaire ».

Plus récemment, la Première ministre Elisabeth Borne a confirmé l’annonce du Président de la République en présentant un plan à 100 milliards d’euros pour la création de RER dans les grandes villes françaises. Une façon de répondre à la commission de l’aménagement du territoire au Sénat qui avait mis en exergue le fait que Les Régions étaient de plus en plus mises à contribution dans le financement des réseaux ferrés régionaux. Les sénateurs avaient demandé au gouvernement « l’état d’urgence ferroviaire » et de revoir de fond en comble le modèle de financement actuel plus profitable à la SNCF.

Lors de son intervention, Elisabeth Borne avait également indiqué que dés le mois de mars, les préfets vont engager le début des négociations sur les volets des contrats de plan Etat-Régions, afin qu’ils soient bouclés d’ici le mois de août. La Région Réunion entend bien profiter de ce contexte pour que l’île soit intégrée à ce plan ferroviaire. Mercredi dernier, lors de la Conférence des Régions à Paris, Huguette Bello en a profité pour marteler auprès de ses confrères que « La Réunion est devenue invivable avec le coma circulatoire. Nous réclamons légitimement notre part dans ce plan des 100 milliards d’euros… » Selon le cabinet de la collectivité régionale, le dossier de réseau ferroviaire devrait occuper une place importante dans le prochain Contrat de Convergence, l’équivalent du Contrat de plan Etat - Région, avec le préfet, Jérôme Filippini.

 

La bataille pour le rail a donc déjà commencé. Elle semble se dérouler sur deux fronts : localement avec notamment les Autorités organisatrices de mobilités, très attachées à leur politique de mobilités sur leur territoire, et à Paris pour le financement du futur Réseau Express Régional Réunionnais. La balle est dans le camp des Réunionnais.

 

Lilian REILHAC

RESTEZ INFORMÉS, ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !