Au carrefour d'une révolution inévitable

Transition énergétique et financement des transports publics

25 octobre 2023
Fabrice Hoarau et Patrice Boulevart aux Rencontres de Clermont Ferrant "Fabrice Hoarau et Patrice Boulevart aux Rencontres de Clermont Ferrant"
Comment accélérer le financement de la transition énergétique dans les transports publics pour faire face à l'urgence climatique ? Telle est la question que se posent tous les acteurs des mobilités dans l'hexagone. La décarbonisation des réseaux de transports publics va entraîner des surcoûts qui n'épargneront pas La Réunion où actuellement les autorités organisatrices de mobilités se préparent à renouveler les contrats d'exploitation de leur réseau de bus.

En sillonnant les halls du Palais des Expositions de Clermont Ferrant où se tenaient les Rencontres nationales du transport public du 17 au 19 octobre, on pouvait découvrir les dernières innovations en matière de gestion de réseaux et de motorisation des nouveaux bus et autocars. Une certitude partagée par l’ensemble des acteurs des mobilités, la motorisation électrique a fait un tel bond qu’un éventuel retour en arrière semble plus qu’improbable. Une présence de l’électrique qui illustre combien le défi de la transition écologique est au coeur des préoccupations aussi bien des autorités organisatrices de mobilités (AOM) que les professionnels du transport. Une semaine avant, au salon Busworld de Bruxelles du 7 au 11 octobre, où a été donné le coup d’envoi vers le « zéro émission » dans les mobilités, 526 exposants en provenance de 38 pays, ont démontré le dynamisme de l’industrie de la construction d’autocars et d’autobus électriques. A commencer par la Turquie, l’Allemagne et naturellement la Chine, reflétant l’état des forces en présence sur le marché européen.

Au vu de ces innovations, c’est une véritable révolution technologique axée sur la motorisation électrique et hydrogène des bus et des autocars que les visiteurs et professionnels du transport public ont pu constater aussi bien à Bruxelles qu’à Clermont Ferrant. La Chine a pris sans aucun doute, une bonne longueur d’avance, mais les constructeurs du vieux continent n’ont pas dit leur dernier mot. Iveco, Temsa, Otokar, ou encore Mercedes ont, depuis ces derniers mois, mis les bouchées doubles pour éviter l’invasion de l’empire du Milieu sur le marché européen. 

Mais voilà, les véhicules électriques coûtent cher et les infrastructures indispensables pour les recharges tout autant. Le prix d’un bus électrique varie entre 400 000 et 500 000€, alors qu’un modèle diesel de même capacité coûte 260 000€. A cela s’ajoutent les innovations technologiques qui progressent à grande vitesse. Les modèles proposées aujourd’hui qui affichent 400 à 500 km d’autonomie seront sans aucun doute dépassés d’ici un à deux ans, à l’instar de nos smartphones qu’on change en moyenne tous les deux ans. Quant aux recharges, il faut compter 50 000€ pour un ensemble de bornes de 180 kw. Certes les exploitants feront l’économie du carburant fossile, mais, l’investissement pour la mise en place d’une véritable filière électrique à destination des réseaux de bus ou de cars coûte très cher. On estime à 70 millions d’euros, le verdissement du réseau Car Jaune, véhicules et infrastructures. 

C’est un constat partagé par l’ensemble des AOM qui, par la voix du GART (Groupement des autorités responsable des transports) n’ont pas manqué de souligner au du ministre des Transports, Clément Beaume, lors de son passage aux Rencontres nationales du transport public de Clermont Ferrant.

Sous pression de l’inévitable décarbonisation de ses réseaux de transports, les collectivités sont désormais face à un mur d’investissement inédit. A Clermont Ferrant, opérateurs et autorités organisatrices de mobilités, se sont penchés sérieusement sur de nouvelles resources de financement, réinventer un modèle économique répondant aux attentes de cette transition écologique imposée par l’Europe pour réduire la production de CO2 dans les transports publics.

Lors de la réunion des représentants d’outre-mer, les élus de La Réunion ont insisté sur la part que doit prendre l’Etat dans le financement de la transition énergétique. « Avec l’arrivée en force du tout électrique, aussi bien voiture particulière que bus et autocars, quel devenir de la taxe TSC (taxe spéciale sur la consommation), indispensable pour financer le développement de nos territoires ? » S’est interrogé Patrice Boulevart, délégué aux mobilités à la Région Réunion lors de son intervention. Pour sa part, le président de la commission Transport a insisté auprès des dirigeants du Gart pour que l’institution accompagne La Réunion afin que celle-ci puisse bénéficier, au même titre que les Régions de l’hexagone, de la dotation ferroviaire. « Nous sommes les grands oubliés du ferroviaire, alors que le Président de la République et la cheffe du gouvernement ont débloqué 100 milliards d’euros pour développer le secteur ferroviaire. Nous voulons être traités d’égal à égal », a souligné Fabrice Hoarau. 

L’argent manque pour tout. 

Parmi les pistes évoquées par les experts présents aux rencontres de Clermont Ferrant pour financer la transition énergétique, la revalorisation du versement mobilité. Cette contribution patronale recouvrée par l’Urssaf à destination des autorités organisatrices de mobilités varie entre 1,8 et 2% à La Réunion afin de financer les transports en commun sur leur territoire. Le versement mobilité représente environ 45% du financement des transports urbains en France, soit un peu plus de 9 milliards d’euros. Cette taxe est régulièrement remise en cause par les organisations patronales. D’où l’absence d’audance de l’Etat sur une éventuelle revalorisation. Seule la Région Ile de France s’est vu autorisée à augmenter le versement mobilité pour, dit-on, limiter la hausse du Pass Navigo. 

Il y a aussi l’idée avancée de taxer davantage l’usage de la voiture que les écologistes souhaitent bannir des villes, mais qui malheureusement, faute de transport en commun performant, reste l’unique moyen de locomotion pour les déplacements quotidiens.  

La voiture, pourquoi pas… L’IPR (Institut Paris Région), étudie depuis le mois de mai, la création d’une « vignette d’infrastructure » applicable sur tous les véhicules. Cet outil imaginé en 1956 par Guy Mollet, alors Président du Conseil des Ministres, avait été supprimé sous Lionel Jospin en 2000. Selon l’IPR, à raison de 100€ par véhicule, si cette vignette s’appliquait à l’Ile de France, déjà bien desservie en transports publics, elle rapporterait 260 millions d’euros par an à la collectivité régionale de Valérie Pécresse. Des revenus qui seraient, selon l’Union des Transports publics (UTP) favorable à la mesure, « fléchés directement vers les transports publics ».  

A la Réunion, si cette « vignette d’infrastructure » s’appliquerait aux 460 000 véhicules de l’île, elle rapporterait chaque année 46 millions d’euros à La Région qui ne bénéficie pas du versement mobilité. De quoi financer non seulement le verdissement du réseau interurbain Car Jaune, mais aussi un véritable transport à haut niveau de service qui séduirait les Réunionnais et, de ce fait, réduirait les embouteillage. Reste à savoir si les automobilistes seraient disposés à une contribution de 20 centimes par jour pour mieux se déplacer…

Lilian REILHAC 

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