Coralie Renard: une réunionnaise qui vit déjà dans le futur des mobilités

Directrice marketing Transdev Systèmes de Transport Autonome

07 mai 2021
Une réunionnaise au coeur de la mobilité (photo STA) "Une réunionnaise au coeur de la mobilité (photo STA)"
Cette jeune réunionnaise est au cœur du développement des transports autonomes chez l'un des leaders mondiaux des opérateurs de mobilités. Diplômée d'HEC-Paris, Coralie Renard est convaincue que le transport autonome offrira davantage de liberté aux passagers dans les transports publics.

Propos recueillis par Lilian REILHAC

- Pouvez-vous nous expliquer vos missions chez Transdev ?

Au sein de Transdev Systèmes de Transport Autonome, je dirige l’équipe Marketing, Communication et Expérience Client. Je suis également en charge du Produit. J’ai rejoint cette équipe à ses débuts il y a 4 ans, après avoir été en charge du Marketing et de l’Innovation au sein de Transdev Services Réunion / Transdev Outre-mer. Nous travaillons sur la mobilité autonome dans un contexte de transport partagé, que cela soit dans le cadre de services de transport B2G ou B2B. Pour cela, nous avons des experts internationaux issus de différents secteurs d’activités (industrie automobile, logiciels, systèmes de transport complexes et services de mobilité) permettant des compétences techniques et technologiques pointues. Nous nous positionnons comme intégrateurs de Systèmes de Transport Autonomes (incluant le véhicule, la supervision et l’infrastructure) et fournisseurs de technologies et services à destination des opérateurs ou des villes, pour l’opération de services de mobilité autonome à grande échelle.

- Quels sont les enjeux du transport autonome ?

Il y a tout d’abord un enjeu technologique pour les véhicules autonomes afin qu’ils puissent avoir des vitesses commerciales plus importantes, des conditions d’utilisation plus larges et une validation permettant d’opérer sans opérateur à bord. Cela concerne les technologies de conduite mais aussi tout un ensemble de technologies nécessaires à un service de mobilité autonome et sur lesquelles nous travaillons, comme la Supervision Véhicules Autonomes, la gestion de la sécurité des passagers, le suivi du confort à bord, etc. Celles-ci devront être opérationnelles à partir du moment où les véhicules autonomes seront disponibles à grande échelle. Un deuxième enjeu concerne les territoires. Il est important qu’ils puissent se préparer à l’arrivée de ces véhicules autonomes de manière intégrée aux réseaux de transport existants. L’intérêt de ces véhicules sera d’améliorer de manière globale le service de transport et l’expérience client, par exemple en proposant des services de premier / dernier kilomètre ou aux heures creuses. Enfin, un troisième enjeu est celui de l’appropriation par les équipes des réseaux. Le transport est un métier très ancré localement et le véhicule autonome est un objet technologiquement complexe. Cela fait également partie de nos missions d’accompagner ces équipes afin qu’elles puissent opérer ces services de mobilité autonome de manière efficiente. Notre expertise transport public nous permet de concevoir les bons outils et les interfaces pour faciliter cet usage, ainsi que les offres de services adéquates afin de les accompagner à chaque étape, de la préparation d’un service de transport autonome à son exploitation en passant par son design ou son déploiement. 

- Pourquoi le transport autonome représente l’avenir des déplacements de demain ?

A l’origine même de la création de Transdev Systèmes de Transport Autonome par Transdev, il y a la conviction que les véhicules autonomes constitueront un élément clé dans le futur de la mobilité. De plus, cette transformation passera d’abord par les véhicules autonomes utilisés dans le cadre de services collectifs, avant d’arriver dans le véhicule particulier sur du niveau 5. C’est un élément fort de notre vision qui se confirme par ce qu’il est possible d’observer dans les développements en cours dans le monde. Par ailleurs, le transport public par le fait que la zone d’exploitation soit connue et maîtrisée, que les vitesses soient plus réduites ainsi que des postes de supervision existent déjà aujourd’hui, bénéficie d’éléments différenciants rendant possible une commercialisation dans les prochaines années.

- Est-il inévitable ?

Je suis absolument convaincu que les véhicules autonomes vont impacter de manière profonde les usages de la mobilité. Et comme la mobilité est intimement liée à la manière dont nous vivons et dont nous habitons, les impacts sur l’urbanisme et les modes de vie seront également importants. C’est une incroyable opportunité dont il faut se saisir afin de construire la ville et la vie telle que nous les rêvons ! Cette évolution ne se fera pas du jour au lendemain, l’arrivée des véhicules autonomes se fera de manière progressive, d’abord sur des sites privés comme des sites industriels ou des campus, puis dans le cadre de transport public, afin de pouvoir apporter des compléments de mobilité de manière géographique et temporelle. Cela sera également une opportunité pour déployer des services là où auparavant cela n’était économiquement pas envisageable, pour proposer des fréquences plus attractives à certains moments du jour ou de la nuit, ou encore pour amener une plus grande flexibilité avec des systèmes de transport à la demande. Il est aussi important de rappeler que même si ces services sont autonomes, l’humain reste toujours présent et de nombreuses expertises sont nécessaires pour l’opération de flottes de véhicules autonomes. Les opérateurs de supervision au sein du Poste de Commande Centralisé seront formés à opérer ces nouveaux services, ainsi que les équipes d’exploitation des opérateurs de transport. C’est un volet que nous intégrons dans nos offres, afin de permettre cette maîtrise locale pour un service de qualité et une expérience client optimale.   

- Il y a quand même ce sentiment d’appréhension des usagers à voyager dans un véhicule sans conducteur. Comment les rassurer ?

Nous avons mené de nombreuses enquêtes lors de nos différents projets afin d’interroger des passagers sur leur sentiment de confiance à bord de nos services de transport en navettes autonomes. Sur 1000 passagers enquêtés, nous obtenons un sentiment de confiance de 97%. C’est un chiffre extrêmement haut qui montre que l’adoption de ces nouveaux modes de transport peut se faire rapidement, et ce d’autant plus qu’ils s’inscrivent dans le cadre de services opérés par un acteur reconnu et de confiance tel que Transdev. Au-delà de ces éléments, nous sommes convaincus du rôle majeur de la supervision dans le cadre d’un service complétement autonome. La Supervision Véhicules Autonomes que nous développons a pour objectif de gérer le management de la flotte, mais aussi de monitorer l’ensemble du système en temps réel et de permettre la relation avec les passagers. Ces derniers pourront par exemple entrer en contact à tout moment avec l’opérateur de supervision via un système d’interphonie. 

- En cas d’obstacles simultanées d’un piéton et d’une voiture sur la voie dédiée, comment réagit l’automate ? L’algorithme privilégie qui du piéton, de la voiture ou du bus ?

Le véhicule autonome est équipé de capteurs lui permettant de détecter en amont les obstacles potentiels. Si des obstacles simultanés sont détectés, le véhicule s’arrêtera tout simplement. 

- Peut-on avoir une idée du coût d’investissement pour développer le transport autonome ?

Aujourd’hui les véhicules autonomes sont relativement coûteux. Leur prix évoluera à la baisse avec la diminution des coûts des équipements, comme les capteurs ou les technologies embarquées. De manière plus globale, pour que les services de transport autonome soient pertinents en termes de modèle économique, il faut que l’opérateur à bord puisse être retiré. Et pour cela, il faut que la démonstration de la sécurité du système soit faite. C’est lorsque l’opération d’un service de transport autonome sera financièrement plus intéressante que celle d’un service de transport conduit, avec un niveau de qualité de service a minima équivalent, que le déploiement à grande échelle pourra avoir lieu. 

- Ce n’est donc plus un gadget comme certains incrédules le pensent ?

Transdev a déjà transporté 3.5 millions de passagers dans le monde dans le cadre de services de transport autonome avec différents véhicules (les français EasyMile et Navya, le néerlandais 2GetThere, etc.). Plus de 50 déploiements ont été réalisés sur plusieurs continents. Même si ces projets prenaient majoritairement la forme d’expérimentation, de vrais passagers ont été transportés dans ces véhicules sans volant, ni pédales, ni poste de conduite et également sur routes ouvertes à la circulation ! Par ailleurs, si l’on regarde du côté des Etats-Unis, des entreprises comme Waymo ou Nuro lancent désormais leurs premiers services payants sans opérateur à bord. On entre donc au niveau mondial dans une nouvelle phase de déploiement progressif à visée commerciale, que cela soit dans le transport de personnes ou de marchandises.  

- Quelles sont les villes en France, en Europe et dans le monde qui ont adopté le transport autonome ?

Nous avons plusieurs projets de R&D en France aujourd’hui, qui nous permettent de déployer et de tester nos solutions. L’un des premiers est le Rouen Normandy Autonomous Lab démarré en 2017. Il s'agit du premier projet relatif à un service de transport à la demande autonome en Europe. Les équipes de Transdev Rouen ont d'ailleurs accueilli plus de 1 100 visiteurs venus de 17 pays entre 2018 et 2019. Ce projet multi partenarial précurseur, dans lequel le Groupe Transdev est aux côtés du Groupe Caisse des Dépôts, de la Métropole Rouen Normandie, de la Région Normandie, du Groupe Renault, du Groupe Matmut et de l’Europe / FEDER, est désormais entré dans une seconde phase. Celle-ci consiste en l’expérimentation de différents services de mobilité autonome et électrique, de type transport public collectif, sur le territoire de la Métropole Rouen Normandie, avec des navettes autonomes au sein du quartier du Madrillet en complément d'une ligne de bus ainsi que des voitures à la demande, électriques, autonomes dans le cadre d’un service de transport à la demande en centre-ville.

- Votre apprentissage des métiers de la mobilité a démarré à La Réunion, votre île natale. Quel regard portez vous désormais sur la politique des déplacements à La Réunion ?

Les problématiques rencontrées à La Réunion sont les mêmes que celles rencontrées de manière globale sur le transport public. Il s’agit de continuer à améliorer la qualité du service rendue, de digitaliser l’information voyageurs et de travailler à l’attractivité globale des réseaux pour permettre une bascule pour permettre de diminuer davantage l'autosolisme, encore important à La Réunion..Les améliorations ont été continues depuis plusieurs années et elles doivent aussi pouvoir s’appuyer sur les nouveaux projets en cours de transport guidé – par rail ou par câble, ainsi que sur les réflexions et améliorations relatives à l'aménagement de la voierie et au partage de l'espace public, de manière plus générale.

- On pourrait un jour vous voir revenir apporter votre expérience et votre savoir ?

J’aimerais beaucoup pouvoir mettre en place un service de transport autonome à La Réunion. Cela serait une première en Outre-mer. Et donc sur un plan plus personnel, en tant que réunionnaise, une fierté.

RESTEZ INFORMÉS, ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !