Quelle mobilité pour les futures générations réunionnaises ?

une réflexion à l'aune de la crise sanitaire ?

08 juin 2020
Govindin Ramassamy Guillaume.  Sciences Po Paris - Master Finance & Stratégie "Govindin Ramassamy Guillaume. Sciences Po Paris - Master Finance & Stratégie"
La mobilité des Hommes est un symbole inhérent à la liberté. Les réunionnaises et les réunionnais sont aujourd'hui pris au piège. Force est de constater que l'immobilité sur nos routes est devenue un état de fait et que cela n'inquiète visiblement pas les autorités publiques ou pas suffisamment. Le réunionnais lambda perd peu à peu de sa liberté en raison de l'absence d'alternative viable à la voiture. Il nait, vit et meurt automobiliste. C'est un individu condamné à avoir une mobilité sans vitesse, lente et à coup de freins.

Par Govindin Ramassamy Guillaume.  Sciences Po Paris - Master Finance & Stratégie 

La crise sanitaire actuelle est venue bouleverser ce constat dans la mesure où nous sommes passés à un état d’immobilité imposée. Cette situation contraignante et forcée a été difficile à vivre mais elle peut être à l’origine d’une nouvelle ère, bien plus en adéquation avec notre environnement. Le confinement a été une expérience de vie qui marquera toute une génération mais c’est aussi l’élément qui rappelle à quel point la mobilité est partie prenante du quotidien de tous les individus et à quel point elle est essentielle au bien-être.  

Cet article a pour humble ambition d’amener les réunionnais à s’interroger sur leur mobilité et dans un deuxième temps à proposer une vision qui se veut cohérente et pragmatique pour notre territoire. Les solutions en matière de mobilité existent mais elles ne sont pas proposées. Les intérêts politiques ou l’absence de projet de développement global pour notre région en sont éventuellement la cause. La mobilité devrait être partout mais elle n'est nulle part. La crise sanitaire est venue rappeler à quel point la mobilité est un sujet de premier plan.  

Nous sommes en 2020, à l’ère de la transition énergétique et du développement mondialisé et La Réunion est bloquée. Bloquée par sa mobilité et par l’absence d’un schéma de transport collectif qui soit en adéquation avec les besoins toujours plus importants. Aujourd’hui, nous sommes confronté à un dilemme qui repose sur une double exigence celle de la continuité du transport et celle de la sécurité sanitaire.  

La mobilité est la clé de voûte du développement économique, social, touristique d’un territoire. Aujourd’hui celle-ci devient une exigence car notre réseau de transport déjà saturé doit faire face aux mesures de distanciation physique encore plus contraignantes. Allons-nous voir apparaitre sur nos routes des masses encore plus importantes de véhicules car les personnes ne voudront pas être en situation de promiscuité dans les transports? Ces véhicules vont rester immobilisés chaque jour pendant des heures sur notre réseau routier. Nous sommes dans une situation économique inédite et difficile. Les entreprises sont préoccupées par leur trésorerie. Il est légitime de penser que l’immobilité chronophage qui se crée sur nos routes favorisent des pertes socio-économiques monstrueuses à chaque heure perdue dans les embouteillages. Malheureusement ces sujets n’interpellent aucun décideur politique.  Les échéances électorales se succèdent et le sujet de la mobilité devrait être au centre des débats. 

Je suis un étudiant réunionnais ayant eu l’opportunité de réaliser ses études en métropole au sein de l’institution politique de Paris. Mon séjour au sein de cette ville mondialisée m’a permis de réaliser et de comprendre les enjeux d’une mobilité réussie et non subie. l'Institute for Transportation and Development Policy (ITDP) a déclaré que Paris était la ville la mieux desservie en transport en commun et cela illustre clairement l’intérêt de proposer un transport qualitatif et quantitatif aux territoires et à sa population.  

La Réunion est un territoire d’opportunité qui est en mesure de proposer un système de transport à la hauteur. Les études et les enquêtes de terrain sont révélatrices des observations que les citoyens réunionnais réalisent quotidiennement : nos routes sont saturées et les temps de trajet deviennent insoutenables.  

Le projet de mobilité pour notre région doit prendre en compte la totalité des modes de transport disponibles. La mobilité est une chaine continue où l’on va d’un point A à un point B en empruntant plusieurs moyens de transport. Ce changement de paradigme doit être au centre des réflexions sur nos déplacements. Les transports en commun, la voiture, les modes de transports doux (vélos, trottinettes), le covoiturage sont des solutions qui se complètent et non imperméables. Le coma circulatoire réunionnais s’explique par une saturation du réseau routier. Le transport soliste ne peut plus être l’unique solution de déplacement. En clair, nous sommes dans une situation paradoxale où il y a assez de voiture dans les foyers réunionnais  à juxtaposer sur la totalité du réseau routier de l’île. L’urgence de la situation et l’exaspération des automobilistes n’est plus à prouver. Ce constat exige de proposer une alternative qui puisse être opérationnelle dans des délais raisonnables pour la population.  

La solution la plus cohérente pour notre territoire réside dans la création d’une ligne de bus à haut niveau de service (BHNS). C’est le système de transport moderne qui allie la flexibilité du transport en bus à la vitesse, au confort et à la fiabilité du transport ferroviaire. Ce modèle de transport moderne est présent dans toutes les métropoles mondiales et il a fait ses preuves. Le BHNS a été proposé au Brésil dans la ville de Curitiba qui à l’époque devait faire de l’innovation frugale en raison des coûts élevés du métro. Ce modèle efficace et efficient a été reproduit dans des villes émergentes comme Bogota, Mexico, Ahmedabad qui présentent des similarités contextuelles avec La Réunion. 

Ce projet a l’avantage de garantir une plus-value économique pour l’ensemble de la Réunion. Il permet de privilégier le tissu économique local et favorise la réduction de la pollution urbaine. Cette infrastructure doit être réalisée conjointement avec la filière énergétique locale afin de proposer un modèle propre qui alimente la totalité du BHNS. L’objectif est doublement atteint car nous disposerions ainsi d’une nouvelle offre de transport qui serait également respectueuse de l’environnement.   

Les arguments et les avantages en faveur de cette solution ne manquent pas.  Il faut garder à l’esprit que l’investissement et l’exploitation d’un réseau de voies ferrées se chiffrent en centaine de millions d’euros. La Réunion peut-elle avoir le luxe de s’endetter au détriment des autres secteurs économiques qui ont besoin de soutien? La Réunion doit-elle asphyxier ses finances au profit d’un tramway non-adapté ?  

La crise sanitaire doit être un élément révélateur dans les consciences du besoin imminent d’un projet d’infrastructure de transport qui propose une alternative au déplacement soliste sur nos routes. La question de l’attractivité est une question centrale. Les réunionnais sont attachés à la voiture c’est un état de fait indéniable. Mais ce postulat ne tient plus dans la situation actuelle où nous atteignons le paroxysme de la paralysie. En tenant compte des mesures sanitaires récentes, le risque de congestionnement massif de nos routes est réel.  

Le constat est le suivant, les familles réunionnaises, les travailleurs qui réalisent leur trajet pendulaire, les jeunes qui veulent se déplacer pour leurs études et leurs loisirs, nos aïeux, de manière générale tous les réunionnais sont prêts à passer à un mode de transport moderne et de qualité. La demande est présente, la solution existe, il ne reste plus qu’à agir !  

 

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