Enquête sur les taxis marrons...

Il y a sur les routes plus de taxis marrons que de taxis patentés !

19 juin 2020
Impossible de distinguer les taxis marrons tellement ils entretiennent la discrétion. "Impossible de distinguer les taxis marrons tellement ils entretiennent la discrétion. "
Ils sont plusieurs dizaines à exercer l'activité de taxi marron à La Réunion et occupent souvent la place laisser libre par les taxiteurs patentés. Ces derniers ont, au fil des années, fait évoluer leur activité grâce aux nouveaux outils numériques. Sous le couvert de l'anonymat certains taxis marrons ont bien voulu partager leur témoignage avec MOBIL'Idées.re.

Par Lilian Reilhac

Discrètement, Margaret glisse dans la main de Jo un billet de cinq euros. Celui-ci avait préalablement déposé les deux gros sacs de courses de la quinquagénaire devant sa porte. Elle est la troisième « cliente » de l’après midi de ce taxi marron. Cela fait déjà cinq ans que Margaret fait appel aux bons services de Joseph, dit « Jo » pour ses déplacements réguliers, particulièrement pour ses courses. En fait, depuis que son mari, Antoine diabétique s’est fait amputé la jambe, Jo est devenu leur transporteur à titré. « Avant mon mari conduisait et nous avions une voiture. Maintenant, pour ses soins, il bénéficie de l’ambulance, mais pour aller à la Poste, au marché forain et chez Leclerc à Saint-Joseph, bin Jo nous est très utile », soutien Margaret. Occasionnellement, elle utilise les transports publics, « mais les horaires ne sont pas pratique pour moi, il faut attendre longtemps. Mi préfère paye un peu plus cher avec Jo, mais au moins mi perd pas le temps ».

Depuis plus de dix ans, Jo s’est installé taxi marron dans le Sud. Son terrain de chasse va de Saint-Pierre, Le Tampon jusqu’à Saint-Philippe. Ancien maçon dans une importante entreprise de BTP, il avait été licencié en 2009 après la livraison de la Route des Tamarins sur lequel il avait travaillé. Il a dû compléter ses indemnisations de chômage avec des « petits travaux ici et là ». Et puis un beau jour, son voisin lui a proposé de le déposer à son travail « pou in ti monnaie ». Et c’est ainsi que de bouche à oreille, de plus en plus de gens, sans voiture ont commencé à faire appel à lui pour leurs déplacements. « Du coup, j’ai changé de voiture. J’avais une Nissan Primera, je l’ai déposé pour un Citroën Jumper Combi de 9 places ». Depuis les affaires vont bien. Jo refuse de divulguer ses revenus illégaux, mais avoue, sourire aux lèvres « mi plain pa moin ».

C’est sur la toile que les taxis patentés exercent leur métier en offrant plusieurs services.

Jo n’est pas le seul taxi marron de l’île, même s’il est difficile de les recenser tellement ils entretiennent la discrétion. Il semblerait que dans l’Ouest et dans l’Est ils seraient bien plus nombreux. C’est le cas de Mathieu, âgé d’une quarantaine d’années, qui exerce cette activité illégale et lucrative depuis ses vingt cinq ans. Il essaie toujours d’acquérir une licence de taxi afin « de dormir tranquillement et travailler sereinement », soutien t-il. D’autant « qu’à une époque je me suis fait contrôler et j’ai même été condamné à une forte amende. Mais comme je ne sais pas faire autre chose, je continue ».

Alors comment les taxiteurs de la place titulaires de leur patente voient ces taxis marrons ? « Ils ont été toujours là. La loi i fé pa rien. Kosa ou veut ni fé ? » explique Ricquel installé à l’aérogare de Gillot. « De toute façon, il faut bien que tout le monde gagne leur vie. Le problème c’est que nous taxis nous payons l’Amexa, la TVA, les impôts, alors que eux les taxis marrons ne paient rien. De toute façon il y a plus de taxis marrons sur les routes que les taxis patentés », déplore Marcel taxi à Saint-André. 

De leur côté, les utilisateurs de taxis marrons estiment que les taxiteurs dûment patentés ne répondent plus attentes de la population en besoin de transport, du fait qu’ils ne sont pas toujours disponibles. Josiane de Bras Panon avoue être obligée à recourir aux taxis marrons en raison de leur indisponibilité. « la plupart travaille que pour les transport médical. Ils transportent les malades, les diabétiques pour les visites médicales ou leurs soins. Difficile de trouver un taxi de nos jours ». 

Aussi bien Margaret que Josiane se disent conscientes du danger de voyager dans un taxi marron. « Mais nous n’avons pas le choix. Sinon il faut poiroter longtemps à un arrêt de bus ou attendre la bonne volonté d’un taxi patenté ».

Si autrefois, on pouvait apercevoir les taxiteurs appuyés sur le capot de leur véhicule attendre le précieux client sur des stationnements qui leur étaient dédiés par les municipalités, aujourd’hui ces lieux sont totalement désertés. Et pour cause, désormais joignables à tout moment grâce au téléphone portable, les taxiteurs exercent plus du transport à la demande, que du taxi traditionnel pratiqué par les plus anciens. D’ailleurs ils sont pour la plupart connectés. Ils possèdent leur propre outil numérique, en proposant leurs services sur les réseaux sociaux ou leur site dédié. Le problème, « tout le monde ne maîtrise pas internet », souligne Josiane.

Ainsi, la profession de taxi s’est transformée en transport à la demande. En abandonnant leur emplacement spécifique devant les gares, les marchés et les lieux de vie, les taxiteurs ont laissé un vide désormais occupé par les taxis marrons.  

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