Nouvelle Entrée Ouest de Saint-Denis (NEO) : l'heure des choix !

Le moment est venu

03 juin 2020
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Au delà de sa vocation de désengorger les difficultés de circulation et permettre une réorganisation des modes de transport dans le centre ville, la Nouvelle Entrée Ouest de Saint-Denis se veut être aussi une ouverture du chef lieu sur la mer. Initialement, les Réunionnais devaient s'exprimer sur le projet au mois d'avril, le Covid-19 a repoussé la date de consultation de débat public.

Par Lilian Reilhac

Chaque jour, ce sont pas moins de 24 000 véhicules qui transitent sur les 1,7 km de 2 voies du front de mer du Barachois pour rejoindre soit l’Est soit l’Ouest. Résultat, depuis plusieurs années, les embouteillages se succèdent et des nuisances impossible à gérer. Pourtant le site du Barachois est un lieu historique remarquable et présente un intérêt touristique indéniable. C’est là où souvent les Dionysiens se donnent rendez-vous, où de nombreux événements culturels se déroulent. Des manifestations qui peuvent rassembler plusieurs dizaines de milliers de visiteurs pour chaque événement. Des bâtiments historiques, comme la préfecture, l’ancienne maison Barre qui abrite le restaurant Roland Garros, le Rallye, le boulanger Paul, ou encore l’imposante bâtisse de l’ancienne DDE et aujourd’hui Deal, témoignent d’un passé riche en événements. Aujourd’hui ce sont les milliers de voitures, de camions qui ont envahi ce site. Privés de ce littoral emblématique, la municipalité dionysienne est obligée de fermer régulièrement le Barachois afin de permettre à la population de profiter du front de mer en toute sécurité.

Avec la livraison dans les prochaines années de la Nouvelle route du littoral, la situation devrait empirer. Au pilori, les trois collectivités et l’Etat ont dû faire abstraction à leurs divergences afin de mettre en place une instance de gouvernance partenariale (COPIL). La Région, principal financeur est désignée pour piloter le projet de Nouvelle Entrée Ouest (NEO). Une décision toute légitime dans la mesure où La Région a en charge la gestion des routes et donc de la fluidité et la sécurité des routes nationales et le réseaux de transport interurbain, Car Jaune. Associée à cette gouvernance, la CINOR intervient en sa qualité d’Autorité organisatrice de mobilités avec le réseau urbain Citalis , mais aussi dans la gestion des risques liées aux milieux aquatiques. Enfin, compétente sur les problématiques d’aménagement urbain et à la gestion de l’espace public, la commune de Saint-Denis participe au projet NEO.

La réflexion de l’entrée Ouest de Saint-Denis date de plus de 30 ans, sous l’ère du premier mandat de Gilbert Annette. En 2005, René-Paul Victoria qui avait succédé au socialiste Michel Tamaya, avait pris le relais en lançant les premières études de faisabilité. On se souvient de cette anecdote du mois de mars 2007 où les automobilistes avaient vu  la plateforme de sondage dépêchée sur place engloutie par des vagues déchaînées.  Il s’en est suivi un ambitieux projet d’une 2X2 voies en tranchée couverte, permettant ainsi la réalisation d’un front de mer avec une plage et un petit port de plaisance… De retour aux affaires à la mairie de Saint-Denis en 2008, Gilbert Annette entend bien peser de tout son poids pour accélérer l’aménagement de l’entrée Ouest en sollicitant le soutien de La Région pour piloter NEO. 

NEO ne résoudra pas seul le problème des embouteillages

Douze ans plus, les études concluent à un réaménagement d’une zone comprise entre la sortie de la Nouvelle route du littoral et l’actuelle gare routière. Le projet soumis par les ingénieurs concilie les aménagements urbains avec le développement des transports en commun et des enjeux de la fluidité et de sécurité du trafic routier sur ce site. Cela dit, à l’image de la NRL qui permettra exclusivement de sécuriser la liaison Possession / Saint-Denis, NOE n’a pas non plus vocation de résoudre les problématiques des embouteillages sur le Boulevard Lancastel… Ce sont plutôt les différents projets de transports en commun : tramway TAO de la Cinor et Run Rail de La Région qui sont sensés être les alternatives à l’usage de la voiture.  D’ailleurs, lors de la présentation du projet à la Commission Nationale de Débat Public (CNDP) en février dernier, le Maître d’Ouvrage (La Région), Thomas Kavaj a souligné « NEO n’a pas vocation à fluidifier le centre ville de Saint-Denis et ne saurait être seul à répondre aux problèmes de trafic. La solution passe inéluctablement par le développement des transports en commun et des modes actifs permettant ainsi un report modal et l’abandon progressif de la voiture pour les déplacements ».

Les trois solutions techniques pour NEO

En plus des trois variantes proposées par le Maître d’ouvrage, une solution dite à « court terme » est proposée aux décideurs et soumis à l’avis de la population. Celle-ci se compose d’un giratoire pour gérer les échanges à l’entrée de ville, puis d’un doublement de la RN1 dans le sens Est vers l’Ouest.  La continuité de la voie bus TCSP prévue côté montagne sur la NRL est assurée tout au long du projet NEO, en s’insérant dans le giratoire et se prolonge tout au long du nouveau de la Rivière de Saint-Denis. Ce solution à court terme en rive gauche est estimée à 21 M€. 

Le tracé en mer

Il consiste en la création d’une succession de tranchées ouvertes de 2 voies et couvertes d’une longueur inférieure à 300 m de 3 voies, entraînant un gain d’espace sur la mer. Un raccordement à l’Ouest  avec la NRL et un raccordement à la RN actuelle à l’Est en amont du pont Pasteur. Pour cela, une digue en mer sera construite afin de pouvoir poser les caissons accueillant l’infrastructure routière. Cette solution d’enfouissement du trafic permet de dégager une importante surface à aménager, soit environ 16ha pour répondre aux enjeux des transports en commun. En effet, la voie en site propre pour les transports en commun se connecte au futur tramway de la Cinor et au réseau interurbain Car Jaune avec la réalisation d’un pôle d’échanges. « L’objectif de ce scénario est de proposer une continuité visuelle et d’éviter toute rupture dans l’aménagement du paysage. En conséquence, les digues et tranchées sont éloignées. De plus, cette variante a l’avantage de limiter les contraintes en phase travaux », précise le représentant du Maître d’Ouvrage. Cela dit, le tracé en mer implique également la mise en œuvre de protections maritimes sur le littoral et donc un impact environnemental conséquent par rapport aux autres variantes proposées.

Le tracé terre

Pour cette seconde solution, le Maître d’Ouvrage propose la création d’une tranchée unique couverte d’une longueur inférieure à 300 mètres  complétée d’un réaménagement de l’actuelle route nationale depuis la rue Juliette Dodu jusqu’au pont Pasteur. Celle-ci serait alors transformée en un boulevard urbain à 2X2 voies adossé à un transport en commun en site propre dans les 2 sens. Inconvénient de cette variante : l’emprise importante nécessaire à sa réalisation qui se ferait au détriment de l’aménagement d’espaces publics qui sera réduite à 7ha par rapport à aujourd’hui. Ce qui va à l’encontre des enjeux fixés par le Comité de pilotage, à savoir la collectivité régionale, la Cinor et la commune de Saint-Denis. En effet, l’accès avec la mer n’est pas amélioré, bien au contraire, et le centre ville est davantage engorgé. A noter aussi l’impact environnemental significatif avec des extensions en mer et la destruction d’espaces verts classés. A cela s’ajoute la gestion des travaux qui engendra de forts désagréments pour les usagers de la route nationale actuelle comme pour les Dionysiens. « Cette solution ne répond pas pleinement aux objectifs du projet NEO en ne permettant pas de créer un lien entre le centre-ville et l’océan et n’assure pas un gain de fluidité du trafic routier. Elle expose les usagers à une présence de la voiture plus importante qu’actuellement », souligne Thomas Kavaj. Cela dit, cette solution est néanmoins celle qui présente des coûts les plus faibles et celle qui génère le moins d’emprise gagnée sur l’océan. Son coût est estimé à environ 215 M€ hors réalisations des protections maritimes supplémentaires et des parkings. 

Les solutions en tunnels

La troisième variante se compose de deux hypothèses de tracés en tunnel. Ces deux solutions présentent une trémie d’entrée vers le tunnel sous les voies de l’actuellement route nationale entre la préfecture et le square Labourdonnais. Le tunnel se situerait alors entre 10 et 20m sous terre. Ces solutions techniques permettent de faire disparaître totalement les voitures en surface du Barachois, libérant ainsi pleinement l’accès à l’océan et un aménagement du front de mer plus confortable. Les extensions en mer seraient limitées, donc une exposition aux risques maritimes réduits.  La route nationale actuelle serait réservée exclusivement aux transports en commun et les aménagements de surface prévus dans le programme seraient identiques aux solutions en tranchées couvertes. 

1 / Tracé dit « centre ville »

Celui-ci est constitué de deux « tubes » qui rentreraient en terre à l’Ouest au niveau du square Labourbonnais et à l’Est aux abords des bâtiments longères de l’ancienne gare ferroviaire, face à la rue Labourdonnais. D’une longueur d’1,2km cette première variante tunnel offre l’avantage de présenter une couverture de terrain sous les bâtiments actuels et donc ne nécessite pas d’acquérir de terrain privé, mais uniquement les tréfonds sous l’emprise du tracé. Deux usines de ventilation sont indispensables : l’une positionnée au centre du tracé sur un parking existant, l’autre en tête Est du tunnel. Par contre, ce tracé « centre ville » nécessite la mise en œuvre d’endiguements supplémentaires à l’Est, et les travaux des têtes de tunnel est selon les ingénieurs complexes pour le maintien de la circulation sur l’actuelle route nationale. Autre inconvénient, cette solution impacte les espaces boisés classés du Square Labourbonnais.

2 / Tracé « rue de Nice »

 Egalement constitué de deux tubes en terre à l’Ouest au niveau de la Place Charles de Gaulle et à l’Est à l’arrière de la longère de l’ancienne gare. A l’Ouest, le tunnel se poursuit dans l’alignement des rues de Nice et du Mât du Pavillon. « Dans cette zone, une attention particulière sera apportée afin de ne pas endommager les bâtiments en rez-de chaussée + 6 (RD+6) qui encadrent le rue du Mât du Pavillon », rassure le représentant du Maître d’Ouvrage.Bien que les ingénieurs estiment que les contraintes géotechniques puissent être plus élevées au niveau de ce tracé, son avantage est la souplesse au niveau des points de raccordement avec les parcelles nécessaires à la réalisation des têtes de tunnel qui sont facilement maîtrisables.  Ce tracé de Nice est le plus court, 1km environ, et présente un coût potentiellement moins élevé que le tracé « centre ville ». Autre avantage d’ordre technique, cette variante de tunnel ne nécessite pas d’intervention sur le Square Labourdonnais et permet l’installation de l’unique usine de ventilation nécessaire au milieu du tracé sur un parking existant. Cette solution, affirme Thomas Kavaj, est la moins impactante sur l’environnement.

Coûts et financement du projet NEO

La convention qui régit le projet NEO prévoit un financement partagée entre La Région Réunion, la Ville de Saint-Denis, la Cinor, l’Etat et vraisemblablement l’Europe.  La clé de répartition des financements est définie selon les compétences réciproques de chaque entité. Les coûts annoncés à ce jour sont selon le Maître d’Ouvrage, des estimations prévisionnelles établies sur la base d’études préliminaires et ne concernent que les coûts d’investissements. A cela il faut ajouter les protections maritimes supplémentaires, la réalisation des parkings, des infrastructures de transport en commun et les parkings…

-       Tracé mer : 391 M€

-       Tracé hybride : 369 M€

-       Tracé terre : 215 M€

-       Tunnel Centre ville : 331 M€

-       Tunnel Rue de Nice : 328 M€

Le projet NEO devait être soumis à l’avis des Réunionnais dans le cadre de la Commission nationale de débat au mois d’avril 2020.

Donnez votre avis massivement !

Le débat public est un moment particulier et important dans la réalisation d’un grand projet. C’est l’occasion pour tous les citoyens de participer à sa réflexion et à son élaboration, avant que les caractéristiques des projets soient définitivement arrêtées.

Comme le prévoit la loi L121-1 du Code de l’environnement, les questions posées lors du débat public sont :

-       débattre de l’opportunité du projet (faut-il le faire ?)

-       débattre des caractéristiques et des objectifs du projet (comment faut-il le faire et pourquoi ?)

-       débattre du contexte économique, social et environnementale (quels sont les diagnostics dans lesquels il s’inscrit ? Et quels sont les impacts ?)

-       débattre des alternatives (faut-il faire autre chose ?)

-       débattre de l’absence de projet (que se passe-t-il si le projet ne se fait pas ?)

Les 1er et 8 février derniers, la Commission Nationale de Débat Public (CNDP) en présence de son Vice Président, Floran Augagneur s’est déroulée la Conférence citoyenne en vue de la préparation du débat public sur NEO. Une cinquantaine de citoyens volontaires et retenus par la CNDP ont participé à ces deux jours de travaux autour de deux thématiques :

-       De quoi va-t-on débattre ? Et avec qui ?

-       Comment va-t-on débattre ? Et où ?

Le débat dans le débat : quel est le périmètre de la consultation ?

Après la présentation du projet NEO à l’assemblée citoyenne, des débats avec le soutien « d’experts » en déplacements, aménagement, riverains, usagers de la route, des économistes… se sont tenus en ateliers thématiques.Parmi les questionnements des citoyens, la question du périmètre du débat public domina les échanges. A savoir, est-ce que le débat public NEO qui démarrera après les élections municipales, se concentrera exclusivement sur Saint-Denis ou sera t-elle étendue à l’ensemble de l’île ? A une large majorité des participants, la consultation s’adresse à l’ensemble des Réunionnais et pas uniquement aux Dionysiens. Pour deux raisons :

-       la première c’est que les 24 000 automobilistes qui empruntent chaque jour le Barachois ne résident pas à Saint-Denis, mais bien dans les régions de l’Est et l’Ouest et du Sud. Afin d’éviter de renouveler les erreurs de la NRL où l’on se souvient les enquêtes publiques se limitaient à Saint-Denis et La Possession, alors que les impacts concernaient des communes du Sud-Ouest (Saint-Leu, Les Avirons et l’Etang-Salé) et l’Est (notamment Saint-André) pour l’ouverture de carrières.

-       La seconde raison, le projet NEO étant financé en grande partie par la collectivité régionale (Maître d’Ouvrage), il n’y a pas de raisons qu’on ne sollicite pas tous les contribuables réunionnais des autres communes.

Pour l’heure, il semblerait que La Région, malgré les recommandations de la Commission Nationale de Débat Public, maintienne la consultation exclusivement sur Saint-Denis…   

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