Histoire(s) de savoir(s)

Des éoliennes en mer flottantes dès 2030 ?

Produire de l’électricité sur une île comme celle de La Réunion, ce n’est pas simple. Surtout si l’on cherche à produire de l’électricité propre. La solution, comme ailleurs, ne pourra venir que d’un mix d’énergies renouvelables. Avec une belle part d’éolien en mer flottant. C’est en tout cas l’idée que défendent un consortium privé et les élus locaux.

Les températures grimpent. Notre climat se dérègle. Pour éviter le pire, nous devons faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre. Limiter notre recours aux combustibles fossiles. Parmi les solutions mises en avant par les experts : l’électrification des usages. Sur notre île de La Réunion, nous l’avons compris. Les voitures électriques sont de plus en plus nombreuses sur les routes. L’ennui, c’est que notre production d’électricité demeure fortement dépendante du charbon, du diesel ou encore du fioul. Et donc, fortement émettrice de gaz à effet de serre.

Un mix d’énergies renouvelables à exploiter
Pour réussir notre transition, les experts nous conseillent d’imaginer un mix électrique diversifié qui mise sur les ressources locales. L’eau, par exemple. La Réunion profite ainsi déjà de quelques installations hydroélectriques. Mais elles pourraient ne pas suffire à répondre à la demande croissance. D’autant que les aléas météorologiques appelés à s’intensifier sous l’effet du réchauffement climatique peuvent les mettre en défaut. Des délestages se sont déjà avérés nécessaires après le passage du cyclone Belal.
D’autant que les conversions de centrales thermiques à la biomasse ont commencé. Menant à l’indisponibilité momentanée de certains moyens de production. Toutefois, une fois le passage au biocombustible acté, la ressource disponible sur notre île l’est en quantité insuffisante. Les importations ne constituent pas une solution durable. Et elles laissent entrevoir une forte hausse des coûts de production.
Bien sûr, il y a le soleil. Il constitue sans nul doute l’un des atouts majeurs de La Réunion en matière de production d’électricité renouvelable. Mais les experts le martèlent, le mix doit être diversifié. Notre île ne peut pas compter uniquement sur le solaire photovoltaïque pour son approvisionnement futur.
Certains imaginent ainsi des solutions innovantes. Comme celle de produire de l’électricité grâce à la différence de température — une vingtaine de degrés, tout de même — qui existe naturellement entre les eaux de surface et les eaux profondes de l’océan qui borde notre île. C’est l’ambition du projet Deep Run sur lequel nous ne pourrons toutefois pas compter avant quelques années.

Des éoliennes au large de La Réunion
Alors une part de la solution pourrait bien venir de celle parmi les énergies renouvelables qui reste peut-être trop peu exploitée à La Réunion : l’énergie éolienne. Quelques turbines produisent déjà sur notre île depuis de nombreuses années. Certaines sont d’ailleurs en cours de remplacement pour des modèles plus puissants. Mais ce qui est envisagé aujourd’hui pour La Réunion par les sociétés Akuo — un producteur français d’énergie renouvelable — et BlueFloat Energy — un développeur espagnol d’éolien en mer —, c’est un projet d’une tout autre ampleur encore. Un projet d’éolien en mer flottant. Pourquoi ? Comment ? Cela mérite sans doute quelques explications.
Sur le pourquoi, d’abord. Tout simplement parce que l’éolien terrestre a ses limites. Celles de la variabilité de sa production. Et celles de son acceptabilité. Des limites qui peuvent toutefois être levées par l’éolien en mer.
En mer, le vent souffle en effet plus fort. Mais avant tout plus régulièrement. Pour l’éolien terrestre, le facteur de charge moyen, en Europe, est de l’ordre de 23 %. Comme si les éoliennes ne produisaient pas plus d’un quart du temps à leur puissance maximale. En mer, les experts annoncent un facteur de charge de 38 %. Et pour l’éolien flottant, il pourrait atteindre les 60 %.
Du point de vue de l’acceptabilité, les éoliennes en mer l’emportent aussi. Au large, elles deviennent moins visibles. Surtout lorsqu’il s’agit d’éoliennes flottantes.

L’éolien en mer flottant, une solution pour La Réunion ?
Toujours dans le pourquoi et déjà un peu dans le comment, c’est ce terme de flottant qui peut interroger. Pour comprendre, il faut savoir que les éoliennes en mer sont pour l’heure encore souvent posées sur des fondations de quelques dizaines de mètres. Pas plus. De fait, comme c’est le cas pour notre île de La Réunion, certaines géographies n’y sont pas très adaptées. Lorsque la profondeur des eaux devient rapidement grande au large des côtes. Dans ce cas, la science offre désormais une solution, celle d’éoliennes installées sur des flotteurs et seulement reliées au fond par un système d’ancrage. Le choix du type de flotteur et de la solution d’ancrage se fait en fonction des spécificités du site sur lequel est implanté le parc éolien.
Alors, qu’est-il prévu pour La Réunion ? Difficile de le dire à l’heure qu’il est. D’abord parce que « le site n’est pas encore complètement défini », nous confient les porteurs du projet. Ils visent une zone située entre 5 et 10 kilomètres des côtes, au nord de Sainte-Marie et Sainte-Suzanne. Où le plateau océanique peut descendre jusqu’à 500 mètres de profondeur. Et il est question d’un parc d’une puissance de 200 mégawatts (MW) répartie entre 10 à 15 éoliennes. Des machines de quelque 280 mètres de hauteur capables de générer l’équivalent du quart de la production d’électricité de l’île en 2028. Alors que l’éolien terrestre ne devrait, à terme, pas dépasser les 2 % du mix !
Parmi les questions qui se posent légitimement, celle de l’impact environnemental d’un tel projet. « Les études n’ont pas encore été menées », reconnaissent Akuo et de BlueFloat Energy. « Mais nous dialoguons avec les associations de protection de la faune et de la flore — comme Globice ou la SEOR notamment — afin de les réaliser en pleine coopération avec elles. » Et avec l’espoir qu’il se confirme que l’éolien flottant a encore moins d’impact que l’éolien en mer plus classique. A priori, les méthodes d’installation requises pour son déploiement présentent moins d’enjeux pour la faune et la flore marines locales que la plupart des fondations utilisées pour des éoliennes posées. Mais des doutes subsistent, par exemple, quant aux effets des techniques imaginées pour le lestage des plateformes flottantes. Des techniques qui pourraient nécessiter le recours à des produits chimiques nocifs s’ils venaient à être libérés en mer.

Transformer la contrainte des cyclones en atout
Au-delà de cette question se pose aussi celle de la pertinence d’un projet éolien dans une région régulièrement secouée par des cyclones. À terre, les constructeurs ont imaginé des solutions. Des éoliennes qui peuvent être rabattues par grand vent, par exemple. Pour l’éolien en mer, ils ont plus récemment développé des éoliennes dites de classe T, pour « typhoon proof ». Elles sont réputées résister à des cyclones de classe 5. Comment ? Grâce à des structures flottantes en béton armé, à des charnières pivotantes ou encore à un contrôle actif de la position de la nacelle.
Ces éoliennes ont commencé à faire leurs preuves. Un prototype installé au large de la Corée du Sud a par exemple parfaitement résisté aux vents de plus de 200 km/h du cyclone Chaba, en 2022. Et une éolienne flottante installée au Japon a déjà fait face à trois supertyphons de catégorie 5. Résultat, en Asie, plus personne n’hésite aujourd’hui à planifier un projet éolien dans une zone cyclonique.
Cerise sur le gâteau, les scientifiques montrent que les éoliennes en mer semblent être en mesure de ralentir les vents et d’aider à les dissiper plus rapidement. De quoi diminuer les dommages causés à terre par les cyclones.

Des retombées économiques pour La Réunion
En attendant le lancement par l’État d’un appel d’offres ou l’attribution d’un marché gré à gré, Akuo et de BlueFloat Energy avancent sur leur projet estimé à quelque chose entre 700 et 800 millions d’euros. Un projet commercial qui n’attend pas de subventions. Ils visent un prix cible de l’ordre de 200 euros le mégawattheure (€/MWh). Un prix attrayant sachant qu’en 2021, le prix moyen de production de l’électricité sur l’île de La Réunion était déjà de 267 €/MWh et qu’il pourrait dépasser allègrement les 300 €/MWh dès cette année.
Et les porteurs de celui qui est bel et bien le premier projet ultramarin d’éolien en mer flottant soulignent aussi que son développement au large de La Réunion permettrait de doper l’activité maritime locale et de créer de l’emploi. Pour la fabrication des composants des flotteurs, par exemple ou pour la maintenance tout au long de la durée de vie du parc. Affaire à suivre…

Texte Nathalie MAYER

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Edition n°11

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