Jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté la loi de Finances 2025 en actant un amendement proposé par le Sénat de l’attribution d’une part du versement mobilité aux Régions. Désormais, les collectivités régionales qui le souhaitent peuvent bénéficier d’un nouveau levier fiscal destiné à financer leur politique de mobilité sur leur territoire. Les Outre-Mer ont été exclus.
Sans ce nouvel outil, dans un contexte budgétaire national très restreint et sans affectations de nouveaux financements de l’État, les Régions auraient été contraintes de revoir à la baisse leurs investissements en faveur des transports collectifs. En effet, l’attribution d’une part du versement mobilité aux Régions à hauteur de 0,15% de la masse salariale était donc primordiale et très attendue par les élus locaux. Lors de la séance de mercredi dernier au Palais du Luxembourg, le ministre délégué aux Transports Philippe Tabarot (Les Républicains) ainsi que le sénateur socialiste Olivier Jacquin ont intégré, au nom de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, un amendement à l’article 31 de la Loi des Finances 2025, permettant aux Régions de bénéficier du versement mobilité, au même titre que les EPCI. En seconde lecture de la loi de Finances 2025, les députés ont adopté dans sa totalité l’article 31 ainsi que l’amendement proposé par les sénateurs.
Dans un communiqué, la présidente des Régions de France s’est félicitée de l’issue des négociations menées avec le gouvernement. « Grace à ce budget 2025, chaque exécutif régional aura ainsi la liberté de décider de prélever un versement mobilité territorialisé, dans une logique de développement de nouvelles offres de services et de péréquation pour les territoires ruraux, et en renforçant la concertation avec les représentants économiques », explique Carole Delga tout en « regrettant que cette mesure n’ait pas été étendue aux régions d’outre-Mer. Je souhaite que des travaux soient engagés en ce sens » at-elle rajouté pour calmer les quelques sénateurs et députés ultramarins.
Présent aux Journées des mobilités à Annemasse, en Haute-Savoie, le président de la commission transports à la Région Réunion n’a pas mâché ses mots lors de son intervention à la table ronde traitant les financements des mobilités. « Une fois de plus, on exclut les outre-Mer de façon arbitraire des décisions importantes pour le développement de nos territoires. Je rappelle que l’Etat est le seul responsable des difficultés de déplacements dans laquelle La Réunion se trouve aujourd’hui. C’est l’Etat qui avait condamné l’ancien chemin de fer. C’est l’Etat qui avait à l’époque fait le choix de l’automobile pour se déplacer. C’est l’Etat qui, plus récemment, a participé à l’abandon du tram train. C’est l’Etat qui avait exclu les outre-Mer de la dotation ferroviaire. A l’heure où nous sommes en quête de nouvelles ressources pour financer nos projets de mobilités, voilà qu’on nous prive d’un levier fiscal exclusivement réservé aux 13 Régions de l’hexagone. C’est inacceptable ! » colère Fabrice Hoarau. A la pyramide inversée du Moufia, on ne cache pas sa colère. « Les socialistes nous ont lâchés en négociant discrètement avec le gouvernement sans que les outre-Mer et particulièrement La Région Réunion y soient associés. Naturellement, nous ferons le nécessaire pour que nous soyons traités comme les autres Régions de l’hexagone. Car s’il y a bien un territoire où les besoins en matière d’infrastructures de transports sont immenses, c’est bien La Réunion », explique t-on au cabinet d’Huguette Bello.
Jusqu’à présent, seules les intercommunalités bénéficiaient déjà du versement mobilité pour financer leur réseau de transports publics. Rappelons que ce versement mobilité est une contribution qui est entré en vigueur en janvier 2021 avec la loi d’orientation des mobilités et destinée à financer les réseaux de transports publics et les services de mobilité. Cette taxe est recouvrée par l’URSSAF auprès des employeurs des secteurs public et privé qui emploient au moins onze salariés. Le nouveau dispositif versement mobilité régional devrait permettre aux collectivités régionales de bénéficier d’un peu plus de 400 millions d’euros par an, soit environ 30 millions d’euros pour chaque collectivité de l’hexagone.
A La Réunion le versement mobilité représente environ 110 millions d’euros qui sont reversés aux Autorités organisatrices de mobilité (CINOR, TO, CIVIS, CASUD, CIREST). La Région qui ne bénéficie pas de cette ressource financière, mais de par sa compétence pour le transport interurbain, doit financer sur fonds propres le réseau Car Jaune. Le coût estimé de la nouvelle délégation de service public (DSP) pour l’exploitation du réseau Car Jaune serait d’environ 30 M€ par an, soit l’équivalent de ce que les Régions de l’hexagone pourront percevoir avec le versement mobilité régional.
Les détails du versement mobilité régional
La loi de Finances 2025 a maintenu également l’instauration d’un versement mobilité régional :
– A une logique de développement de l’offre de service, tout particulièrement dans les territoires peu denses / communautés de communes au-delà des réseaux de transports publics routiers hérités des Départements, et dans les territoires périurbains en marge des agglomérations ;
– A un renforcement du comité des partenaires régional où les représentants des employeurs disposeraient d’au moins 50% des sièges ;
– A une logique de péréquation pour les territoires ruraux visant à reverser 10% des recettes du versement mobilité régional qui sera prélevé aux communautés de communes lorsqu’elles sont AOM, ou à la Région le cas échéant si elle a pris le rôle d’AOM locale en plus de son rôle d’AOM régionale.
Compte-tenu des délais de mise en œuvre du versement mobilité et du calendrier d’adoption du PLF 2025, les Régions qui le souhaitent ne pourront prélever un versement mobilité qu’à compter de l’année 2026. Mais, cela permettra, dés 2025, aux Régions d’engager des commandes pour du matériel roulant supplémentaire ou pour des études préalables aux travaux. Et ainsi, la dynamique de développement des offres de mobilités décarbonée se sera pas interrompue.
Texte Lilian REILHAC
Photos Pierre Marchal