Depuis quelques mois, la principale centrale de production d’électricité de La Réunion s’est convertie au biocarburant pour faire fonctionner ses douze moteurs qui assurent 40% des besoins d’électricité de l’île. Cette conversion technologique est une première mondiale.

Margareth Fontaine n’en revient pas, « depuis le mois de décembre, j’ai remarqué qu’il n’y a plus de fumée au dessus des cheminées de la centrale. Je me demandais d’ailleurs si elle fonctionnait encore… » s’exclame t-elle. Habitante sur les hauteurs de La Possession, cette dernière ne cache pas sa joie, d’autant, il y a dix ans, lors de la présentation du projet de la nouvelle centrale thermique, Margareth faisait parti du collectif des riverains et écologistes opposés au projet d’EDF, en raison des émanations du dioxine de carbone des cheminées. Dix ans plus tard, EDF a entrepris à travers sa filiale EDF PEI, sa révolution énergétique en réalisant une prouesse technique : remplacer le polluant diesel par un combustible plus vertueux, l’huile de colza. Ainsi, chaque année, ce sont plus de 500 000 tonnes de CO2 qui ne sont plus rejetés dans l’atmosphère terrestre. De quoi améliorer la qualité de l’air sur l’île et ce sans perte de production énergétique.
Dépourvue d’interconnexion, La Réunion produit sur place toute l’électricité qu’elle consomme. D’ici la fin de l’année 2024, les acteurs de la filière espèrent atteindre l’objectif zéro carbone. Pour y arriver, ils misent beaucoup sur la biomasse. Toutes les centrales thermiques fossiles seront progressivement converties : celle au fioul lourd brûlera au biocarburant et les usines mixtes charbon-bagasse remplaceront la houille par du bois.
La Réunion était, il y a encore un an, dépendante du fioul et du charbon, mais la marche vers un verdissement de sa production énergétique est déjà bien entamée. La conversion à la biomasse de la plus importante centrale thermique bouleverse déjà le mix électrique. D’ailleurs, la PPE (Politique pluriannuel de l’énergie) fixe le cap de 2025 pour atteindre ce mix 100% renouvelable. D’autant que les besoins en électricité vont vraisemblablement augmentés avec la progression des ventes de véhicules électriques à La Réunion. Sur ce point, la Région, EDF, Sidelec et la Spl Énergie ainsi que des entreprises privées travaillent de concert pour multiplier l’implantation de bornes de recharge sur tout le territoire.

Une fierté partagée avec l’ensemble du personnel du site

Sur l’île, les Réunionnais sont alimentés en électricité issue de trois grandes centrales thermiques. Deux hybrides d’Albioma qui fonctionnaient principalement au charbon remplacé, avec quelques difficultés encore, par des pellets de bois importés du Canada hors période des campagnes sucrières. Et, la centrale EDF PEI qui produit 212 MW, soit 40% des besoins en électricité de La Réunion. A cela s’ajoutent des centrales hydrauliques, mais aussi d’un important parc photovoltaïque et de quelques éoliennes.
Après plusieurs mois de travaux et 11 millions d’euros d’investissement, EDF PEI s’est résolument engagé dans un verdissement de sa production énergétique. Depuis le mois de décembre 2023, les douze moteurs qui produisent chacun 17,7 KW fonctionnent désormais à partir d’une biomasse liquide, essentiellement de l’huile de colza fourni par le français Oléo.
Les responsables d’EDF PEI ne cachent pas leur fierté, partagée avec les 130 salariés qui oeuvrent quotidiennement sur le site. Il faut dire, que l’aventure était risquée. Au point que même la Commission de Régulation de l’Énergie avait émis des doutes sur des surcoûts estimés à prés d’un milliard d’euros. En misant sur l’excellence opérationnelle, on peut dire qu’EDF PEI a gagné son pari. D’abord, malgré les difficultés rencontrées pour permuter l’usage du combustible fioul lourd à la biomasse liquide plus légère et ce, tout en produisant la puissance nécessaire pour les besoins de la consommation électrique des Réunionnais. Ensuite garantir une certaine flexibilité et une réactivité de la production, en tout temps, afin de favoriser le développement des énergies renouvelables du photovoltaïque, de l’éolien et de l’hydraulique. Le projet s’est appuyé sur les compétences locales des différents intervenants sur l’ensemble des systèmes, à savoir, la compression d’air, traitement du combustible, traitement de l’eau, traitement des effluents, ou encore des interventions liés à la chaudronnerie.
L’huile nécessaire au fonctionnement de la centrale bioénergie du Port-Est constitue ainsi un co-produit du colza cultivé selon les critères de la directive RED sur les énergies renouvelables (en 2030, 40% des énergies doivent être produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en Europe). A ce rythme, La Réunion devrait tenir le calendrier. Reste maintenant à évaluer les nouveaux besoins en électricité avec la montée en puissance des véhicules électriques.
LR

EDF PEI en chiffres aux quatre coins du monde
Filiale 100% Electricité De France, EDF PEI est présent sur l’ensemble des territoires d’Outre-mer
• 430 salariés
• 750 MW de capacité totale
• 3500 GWh/an en énergie produite
• 50 MW de projets EnR en développement
• 4 centrales certifiées ISO 14001 depuis le 01/02/2022

C’est quoi la biomasse ?
La biomasse-énergie est la principale source d’énergie renouvelable en France. Elle représente environ 55% de la production d’énergie finale et contribue de façon significative à réduire notre consommation d’énergies fossiles. Les spécialistes désignent la biomasse comme un ensemble de matières organiques pouvant se transformer en énergie. Il existe trois formes de biomasse :
• les solides (paille, copeaux, bûches)
• Les liquides (huiles végétales, bioalcools)
• Les gazeux (biogaz)
La biomasse liquide est issue de deux filières :
• filière éthanol : 70% des volumes (issue de la fermentation des sucres de végétaux, betterave, maïs et blé destinés aux moteurs essence)
Filière huile : 30% des volumes (issue d’huiles végétales, huiles usagées et plus marginalement de graisses animales, destinées aux moteurs diesel). Utilisée par EDF PEI